
Quand le tronc du palmier devient un poème architectural
- Habib ouja
- 30 juin
- 2 min de lecture
Au cœur des maisons traditionnelles de Djerba, le senour se distingue comme un élément essentiel qui dépasse sa fonction structurelle pour incarner une véritable philosophie de construction, profondément harmonisée avec la nature. Les troncs de palmier, omniprésents sur l’île, ne sont pas de simples éléments du paysage mais une ressource vitale pour la construction et la vie quotidienne. À leur ombre, la terre s’abreuve, l’érosion recule et l’air se tempère — c’est dans ce contexte que l’artisan djerbien a façonné cette pièce de bois courbé devenue pilier d’un système architectural ancestral.
Le tronc est soigneusement scié dans sa longueur pour obtenir deux moitiés cylindriques, généralement longues de moins de deux mètres. Celles-ci sont ensuite alignées au sommet des murs afin de former une toiture naturellement isolante, résistante à l’humidité et parfaitement adaptée au climat insulaire. Elle est ensuite recouverte de couches successives de terre, d’argile, de plâtre et parfois d’algues marines (dheriâ), achevant ainsi une construction ingénieuse et durable. Fait remarquable : la conception même des pièces dans le hosh djerbien prend en compte les dimensions du senour, témoignant d’un esprit architectural profondément conscient des propriétés des matériaux naturels.
De l’intérieur, la blancheur éclatante de la chaux appliquée sur le plafond révèle une esthétique sereine, où la simplicité rencontre la lumière. Mais le senour n’est pas limité aux plafonds : on le retrouve également dans les ouvertures, notamment dans les façades appelées lanto (emprunté à l’italien), servant de support horizontal qui confère stabilité et souplesse à l’espace. Il peut également être intégré comme élément décoratif discret mais porteur d’identité visuelle locale.
Ainsi, le senour incarne une forme d’intelligence constructive et de durabilité, dans laquelle se mêlent fonctions architecturales, esthétiques et écologiques. C’est la synthèse d’une pensée qui puise dans la nature sans l’épuiser, respectant ses rythmes et ses dons — du palmier nourricier et ombrageant, au senour qui élève le toit et conserve la fraîcheur de l’habitat — dans un dialogue silencieux mais profondément expressif entre l’homme et son environnement.
Comentarios