
L'Aïd al-Adha à Djerba : Des rites ancestraux portés par l'esprit de communauté
- Habib ouja
- 7 juin
- 3 min de lecture
L'Aïd al-Adha à Djerba est bien plus qu'une simple fête religieuse. C'est une célébration sociale et culturelle qui reflète l'esprit de communauté et les traditions ancestrales transmises de génération en génération. Bien que les rites soient similaires à ceux des autres régions du sud tunisien, l'Aïd à Djerba possède des particularités qui le distinguent, depuis les préparatifs jusqu'aux façons de consommer la viande, dans une ambiance mêlant authenticité, convivialité et solidarité sociale.
La veille de l'Aïd, connue localement sous le nom de "al-‘Urfa" (avec l’article défini et une prononciation spécifique), la ville de Houmt Souk, capitale de l’île, connaît une effervescence inhabituelle. Les habitants affluent pour acheter les derniers préparatifs de la fête : ustensiles, épices et boissons. Ce qui est remarquable, c'est que cette tradition ne concerne pas uniquement les musulmans ; les juifs de l'île participent également aux achats de la veille de l'Aïd, témoignant d'une cohabitation harmonieuse.
Le matin de l'Aïd, les habitants se rendent tôt aux mosquées pour accomplir la prière, choisissant généralement la plus proche afin de rencontrer leurs proches et échanger les vœux. Après la prière, les hommes rentrent chez eux pour souhaiter une bonne fête à leur famille et prendre le petit-déjeuner. Beaucoup suivent la tradition de jeûner jusqu'au moment du sacrifice, en respect de la sunna prophétique.
Après le petit-déjeuner, les rites du sacrifice commencent. Les hommes s'occupent de l'abattage et du dépouillement de l'animal, tandis que les femmes prennent en charge le nettoyage des abats, une coutume ancestrale qui reflète la répartition des rôles au sein de la famille. La carcasse est suspendue pour que la viande sèche et devienne plus ferme, facilitant ainsi sa découpe ultérieure. Parfois, elle reste accrochée jusqu'au lendemain matin, placée sur un support surélevé avec de la terre en dessous et une bougie allumée à proximité pour éloigner les mouches, une pratique visant à préserver la qualité de la viande.
Dès le matin, la famille se rassemble autour du sacrifice, et chacun, petits et grands, participe à la découpe de la viande dans une ambiance conviviale et festive. La viande est ensuite triée selon son usage :
- La meilleure partie est réservée à la "qlayya", un plat traditionnel mijoté avec de l'huile et des épices.
- Une partie est destinée à la "qadid" (viande séchée).
- Une autre est consacrée au barbecue, où un membre de la famille prend en charge la cuisson.
- Enfin, une portion est échangée entre les familles sous forme de cadeau, perpétuant ainsi une tradition de solidarité sociale.
La découpe ne commence qu'après avoir séparé l'épaule droite pour la donner en aumône, un geste religieux qui incarne les valeurs de partage et de générosité.
Le qadid est l'un des éléments les plus emblématiques de l'Aïd à Djerba. La viande est salée puis suspendue sur des cordes dans la cour pour sécher progressivement et être consommée plus tard. Les modes de dégustation varient : certains le préfèrent cru, tandis que d'autres le font frire dans l'huile. Coupé en petits morceaux et frit à feu vif, il devient un mets appelé "idam" ou "mselli", un plat traditionnel qui prolonge la saveur de l'Aïd bien après la fête.
L'Aïd al-Adha à Djerba ne se limite pas aux rites religieux ; c'est aussi une occasion de renforcer les liens familiaux. De nombreux expatriés reviennent sur l'île pour célébrer la fête avec leurs proches, transformant cet événement en un moment de retrouvailles et de souvenirs partagés. Les traditions transmises, du marché de la veille aux méthodes de préparation de la viande, reflètent l'identité et le riche patrimoine de l'île, dans une atmosphère où authenticité et joie de vivre se mêlent harmonieusement.
L'Aïd al-Adha à Djerba n'est pas seulement une journée festive, mais une expérience complète qui incarne l'esprit de communauté et ravive les valeurs sociales et religieuses dans une ambiance de joie et de solidarité. Ici, le passé et le présent se rejoignent, et les traditions restent vivantes dans le cœur des habitants, génération après génération.
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